L'enseignement français à l'étranger, un atout pour notre pays ?

Depuis 2016, le Groupe Odyssey permet à l’éducation française de briller par-delà l’hexagone. Il regroupe 16 établissements à destination notamment des expatriés et des familles locales sur 3 continents.
Dans cet entretien avec Jonathan Derai, vice-président et cofondateur du Groupe, découvrez comment ce réseau éducatif est unique, et conjugue excellence pédagogique et ambition internationale.

 

Quelle est l’origine du Groupe Odyssey ? Comment a-t-il vu le jour ? 

Odyssey est un groupe français d’éducation internationale, il tire sa singularité de son enseignement français à l’étranger. Odyssey est fondé dès 2016 par Luc Chatel(1), Younes Slaoui(2) et moi-même. Ce projet est le fruit de notre passion pour les questions d’éducation. L’autre fondement  vient de la conviction que l’enseignement français à l’étranger est un formidable atout pour notre culture et son rayonnement à travers le monde. Son potentiel de développement est également pris en compte, et l’importance de le valoriser aux côtés des opérateurs publics existants. Sachant que l’enseignement anglo-saxon se développe à grande vitesse. 

Après un important travail en amont auprès d’interlocuteurs clés – notamment les ministères de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères – nous avons créé un premier partenariat avec un établissement à Casablanca puis, deux autres établissements à Bucarest et Bruxelles. Notre structure s’est construite sur la base de l’homologation des établissements, leur reconnaissance par l’État, avec des programmes et la délivrance de diplômes français. C’est l’origine du groupe Odyssey. 

 

Comment conjuguer langue française et exigences internationales ? 

C’est précisément le but de notre démarche. D’ailleurs, si le nom de notre Groupe s’inscrit dans des références historiques et culturelles évocatrices au plan international, le choix de son orthographe signe aussi notre volonté de se tourner vers des publics « à conquérir » pour l’enseignement français à l’étranger. Pour autant, nous sommes pleinement français, dans notre fonctionnement, nos fondamentaux, nos programmes, nos diplômes, mais nous souhaitons aussi enrichir notre offre pédagogique avec le meilleur de l’éducation internationale, et notamment anglo-saxonne, dès lors qu’elle est compatible avec notre propre système éducatif. Notre enseignement est résolument plurilingue, c’est un marqueur fondamental pour notre Groupe.  

Notre ouverture internationale, notre pédagogie active et notre souci de personnalisation des apprentissages suppose de s’adapter aux besoins et aux caractéristiques de chaque élève. Elles sont au cœur de leur réussite scolaire et des attentes des familles.

 

Quelle est la pédagogie mise en œuvre dans les établissements du Groupe Odyssey ? 

Nos élèves viennent d’horizons divers et nous sommes convaincus de la nécessité de repenser constamment notre mission avec cette notion de pédagogie active. Il s’agit notamment de considérer l’élève comme un acteur de ses apprentissages, tout en développant ses compétences générales, comportementales (soft skills). Ces éléments sont fondateurs et participent d’un certain nombre de standards que nous appelons les « marqueurs Odyssey ».

D’autre part, nous voulons prodiguer une éducation qui réponde aux enjeux du XXIe siècle. L’enseignement français à l’étranger se distingue par sa grande diversité et, pour rappel, deux tiers des effectifs de notre réseau ne sont pas des nationaux. D’autre part, on observe un développement effréné de l’enseignement anglo-saxon avec un certain nombre de standards, d’approches pédagogiques singulières, de modèles linguistiques et culturels qui méritent d’être concurrencés par l’enseignement français avec nos atouts, notre identité et notre attractivité. Nous nous adressons en effet à des publics extrêmement variés qui ne se limitent pas aux seuls expatriés. Notre volonté est aussi d’accueillir le plus grand nombre de familles locales, nationales. L’intérêt de notre démarche est de leur rappeler, lorsqu’elles envisagent l’enseignement anglo-saxon comme une sorte de référence, que l’enseignement français porte à la fois cette excellence académique unanimement reconnue, associée à une ouverture internationale qui n’est pas l’exclusivité de l’enseignement anglo-saxon. Nous sommes dans une logique « du meilleur des deux mondes » !

Comment bien intégrer le multilinguisme dans les programmes ?

Je rappellerais d’abord que le français reste bien entendu la langue de référence. C’est la condition de notre homologation et celle de la réussite de nos élèves. Par ailleurs nous devons aussi pouvoir intégrer dans nos classes des élèves qui ne sont pas francophones. C’est ce que nous faisons dans nos classes du premier degré. Au titre de la personnalisation que j’évoquais précédemment, via notre programme Passerelle, nous pouvons moduler ses heures de langues afin de nous adapter au profil d’un élève durant un ou plusieurs trimestres. 

Quant à la langue anglaise, elle est déjà – ou va devenir dans des établissements qui viennent tout juste de nous rejoindre – enseignée  au quotidien dans nos écoles dès la maternelle. Nous sommes donc dans une logique de bilinguisme français/anglais assez résolue. La langue locale est aussi enseignée de manière régulière, avec des nuances en fonction des contextes géographiques.

Ce besoin de diversité linguistique trouve une illustration intéressante avec l’exemple de notre école à Bruxelles, ville principalement francophone, où les élèves sont demandeurs d’un apprentissage de la langue anglaise… mais aussi du flamand ! Nous venons aussi d’intégrer le Lycée français international d’Anvers où nous allons augmenter très sensiblement le niveau d’anglais, mais également de flamand. Ces exemples démontrent là encore nos capacités de réponse à des besoins pédagogiques locaux.

 

Le corps enseignants, clé de voûte de chaque établissement ? 

Bien entendu, leur implication, leurs compétences et leur diversité sont à la base de cette richesse pédagogique. À titre d’exemple, certains pourront être influencés par la pédagogie Freinet (qui plaçait l’enfant en tant qu’acteur de ses apprentissages, Ndlr), quand d’autres mettront en place une organisation de l’espace inspirée des méthodes de Maria Montessori (médecin et pédagogue italienne).
Cette liberté pédagogique leur permet d’exprimer leur talent, leur créativité, sous le contrôle bien entendu du chef d’établissement qui est en quelque sorte le dépositaire des marqueurs Odyssey qui garantissent la qualité des enseignements. Par exemple, en ce qui concerne l’enseignement des langues, notre ligne directrice exige qu’elle soit toujours assurée par des enseignants locuteurs natifs. C’est une contrainte organisationnelle, mais aussi une garantie de qualité pour les élèves.

 

Quelles sont les ambitions du groupe Odyssey ? 

À ce jour, nous avons créé trois établissements et quatre autres sont en cours de création en Afrique, en Europe et en Asie. En parallèle, au gré de notre développement, nous avons été régulièrement en contact avec des collègues qui dirigeaient, avaient parfois créé ou assuré des responsabilités de gestion dans différents établissements de par le monde, et qui avaient envie d’écrire une nouvelle page de leur itinéraire dans l’enseignement en nous rejoignant. 

L’essor rapide de notre Groupe résulte de ces échanges avec des dirigeants d’établissements, certains étant dans une phase de transition de leur projet éducatif. Ce fut le cas à Rome avec l’institution Saint-Dominique qui a souhaité dynamiser son projet pédagogique et l’ouvrir à l’international. Son intégration au Groupe permet à cette école qui a soixante ans d’existence de se transformer, tout en étant renforcée dans ses fondamentaux. Nous avons pu mettre en place une internationalisation de l’établissement, ouvrir un nouvel internat qui permettra d’accueillir une centaine d’élèves et participer à la rénovation de son campus de cinq hectares, doté de remarquables équipements sportifs. Tout cela avec nos marqueurs Odyssey qui se traduisent ici par un enseignement parfaitement trilingue, en italien, en français et en anglais. 

Par ailleurs, certains de nos établissements connaissent une croissance très rapide, comme à Casablanca où nous comptons déjà près de 1400 élèves pour notre cinquième année de fonctionnement. 

 

L’accord-cadre signé avec l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger), à quoi sert-il ?

Comme je l’ai précisé, nous sommes convaincus que l’enseignement français à l’étranger est une richesse pour la France et nous avons souhaité faire partie de ses acteurs reconnus, légitimes, pour contribuer à dynamiser ce formidable réseau. Pour rappel, chaque établissement qui en fait partie est homologué, résultat d’un long travail et d’une réelle reconnaissance par l’AEFE et l’Éducation nationale. Mais au-delà de cette homologation, nous avons souhaité aller plus loin en nous inscrivant avec l’AEFE dans cette logique partenariale, en l’occurrence entre un Groupe et une agence d’État. Cela nous engage à poursuivre notre développement dans un dialogue stratégique et de gestion avec l’Agence. Notre positionnement est clair, nous voulons être un acteur au service de la stratégie nationale portée par l’AEFE.

 

(1) Luc Chatel, président du Groupe Odyssey, a notamment été ministre de l’Éducation de 2009 à 2012.

(2) Younes Slaoui, vice-président du Groupe avec Jonathan Derai, a été consultant en stratégie et enseignant-chercheur.